Nouvelle méthode de traitement en cas de septicémie

«Tirer» les bactéries hors du sang

7 déc. 2016 | CORNELIA ZOGG
Remplacer les antibiotiques par des aimants : voilà peut-être une nouvelle méthode de traitement de septicémies. À cet effet, le sang des patients est mélangé à des particules de fer magnétiques qui lient les bactéries à elles avant d’être retirées du sang à l’aide d’aimants. Les premières expériences en laboratoire ont été menées avec succès dans les locaux de l’Empa à Saint-Gall – et elles s’avèrent prometteuses.
https://www.empa.ch/documents/56164/933309/Blood+purification+Stopperbild.jpg/2d403c73-2193-4a69-b43b-5fc95474744c?t=1481099559000
Une suspension avec des particules de fer magnétiques est « nettoyée » par un aimant.
Aujourd’hui encore, les septicémies sont mortelles dans plus de la moitié des cas, mais elles peuvent être guéries si elles sont prises en charge à temps. Le premier commandement est donc d’agir vite. C’est la raison pour laquelle les médecins prescrivent souvent des antibiotiques dès le moindre soupçon, sans vérifier en amont s’il s’agit vraiment d’une septicémie bactérienne – ce qui augmente à son tour le danger du développement de résistances. Il faut donc trouver une thérapie rapide et efficace tout en évitant si possible l’usage d’antibiotiques.
Un anticorps pour tout

Inge Herrmann, chercheuse de l’Empa, et son équipe ont développé une solution en collaboration avec Marco Lattuada de l’Adolphe Merkle Institute  et des chercheurs en médecine de la « Harvard Medical School ». L’idée : un nettoyage magnétique du sang. Le principe est simple, tout du moins en théorie. Des particules de fer sont revêtues d’un anticorps qui dépiste les bactéries nuisibles dans le sang et les retient. Aussitôt que les particules de fer se sont fixées aux bactéries, on les retire du sang à l’aide d’un champ magnétique.

Mais un petit problème subsiste : jusqu’à présent, on n’a réussi à revêtir les particules de fer que d’anticorps pouvant reconnaître un seul type de bactéries – tandis que divers agents pathogènes sont en jeu en fonction du type de septicémie. De ce fait, les médecins doivent d’abord analyser à l’aide d’une prise de sang quelles bactéries ont causé la septicémie, afin de pouvoir choisir ensuite les anticorps correspondants. « Cette analyse sanguine prend du temps et dans le cas d’une septicémie, le temps joue un rôle vital », explique Herrmann. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle il a rarement été question jusqu’à présent de mettre en œuvre une dialyse magnétique.
À présent, une équipe de la « Harvard Medical School » autour de Gerald Pier a développé un anticorps capable d’attirer à lui toutes les bactéries susceptibles d’enclencher une septicémie – cela permettrait d’entamer une thérapie magnétique directement, au moindre soupçon de septicémie, indépendamment du type d’agent pathogène présent dans le sang. Cet anticorps « bon à tout » a effectivement permis aux chercheurs de l’Empa d’isoler des bactéries – un peu comme lors d’une dialyse.

Les particules de fer sont-elles nuisibles ?
Mais il est encore trop tôt pour appliquer la méthode sur des patients. En une prochaine étape, Herrmann veut effectuer des tests avec divers autres germes pour voir si l’anticorps de Harvard peut vraiment attirer à lui d’autres bactéries encore. La constitution des particules de fer ne doit pas être sous-estimée non plus. Il est possible que quelques particules restent dans le sang lors de l’extraction magnétique. Ce que l’on attend de ces porteurs est donc clair : ils ne doivent pas endommager le corps humain. Là aussi, l’équipe de Herrmann a déjà une solution : regrouper les minuscules particules de fer pour former des clusters plus grands, qui réagiraient donc mieux aux aimants. En outre, les chercheurs ont pu montrer par le biais d’une simulation in vitro que les particules de fer se décomposent pour disparaître entièrement au bout de cinq jours.
D’autres essais suivent

À l’avenir, il ne sera donc plus obligatoire de prescrire directement des antibiotiques au premier soupçon de septicémie. On prélèvera du sang au patient pour le diagnostic et pendant son analyse à la recherche d’éventuels agents pathogènes, le patient sera déjà traité par un appareil de dialyse pour nettoyer le sang – quelles que soient les bactéries dont il est infecté. Aussitôt que les médecins disposeront des résultats sanguins détaillés, ils pourront compléter le traitement par un antibiotique adapté à l’agent pathogène.

Mais cette idée reste encore une musique d’avenir, car beaucoup de questions demeurent sans réponse. D’une part, cette méthode doit obligatoirement être appliquée au premier stade d’une septicémie, lorsque les dommages ne sont pas encore passés du sang dans les organes ou fonctions corporelles ; d’autre part se pose aussi la question de savoir comment ce traitement est supporté par des patients instables ou déjà malades auparavant. Herrmann et son équipe se montrent malgré tout optimistes – et se rapprochent d’un traitement de la septicémie nouveau et plus doux.

Further information

Dr. Inge Katrin Herrmann
Particles-Biology Interactions
Tél +41 58 765 71 53


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Bibliographie

M Lattuada, Q Ren, F Zuber, M Galli, N Bohmer, MT Matter, A Wichser, S Bertazzo, GB Pier, IK Herrmann,  "Theranostic body fluid cleansing: rationally designed magnetic particles enable capturing and detection of bacterial pathogens", J Mat Chem B,  doi:10.1039/c6tb01272h