Un nouveau capteur surveille le transport de fruits

Une pomme camouflée

22 mars 2017 | CORNELIA ZOGG
Pendant leur long trajet de la plantation de fruits au rayon du magasin, les fruits peuvent vite pourrir. Surtout le refroidissement n’est pas toujours garanti dans les conteneurs et les méthodes actuelles sont incapables de le mesurer de manière satisfaisante. Un capteur développé par l’Empa promet d’y remédier. Il ressemble à un fruit et se comporte comme un fruit – mais en fait, il s'agit d'un espion.
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Le capteur de fruits artificiel de l’Empa – ici dans la variante Braeburn.

Jusqu'à ce que des mangues, bananes ou oranges se trouvent dans nos magasins, ils ont souvent déjà parcouru un long trajet. Ils sont cueillis, emballés, refroidis, placés dans des conteneurs de refroidissement, expédiés par bateau, entreposés et finalement disposés en magasin. Pas tous les chargements de marchandises ne parviennent à leur destination en bon état. Bien que les fruits soient régulièrement examinés, certains d’entre eux sont endommagés ou pourrissent durant le voyage. La surveillance pourrait en effet clairement être améliorée. Les capteurs actuels mesurent la température de l’air dans le conteneur de fret, tandis que la température pertinente pour la qualité du fruit est celle du noyau de chaque fruit. Celle-ci pouvait jusqu’ici uniquement être mesurée de manière «invasive», à savoir, en enfonçant une sonde de mesure dans le noyau. Même ce procédé peut toutefois s’avérer délicat. Pour effectuer la mesure, l’expert se sert le plus souvent d’un fruit provenant d’un carton de la première rangée de palettes du camion – ce qui fausse également l’impression. Les fruits entreposés près des parois externes du conteneur sont en effet mieux refroidis que ceux stockés plus à l’intérieur.

Il se peut ainsi que des chargements de conteneurs entiers doivent être détruits parce que les températures à l’intérieur du conteneur ne répondaient pas aux directives en vigueur. Notamment les États-Unis la Chine se montrent très stricts lors de l’importation de fruits et légumes. Si le chargement n’a pas été entreposé trois semaines à une température minimale déterminée, il est interdit à la vente dans le pays. Le refroidissement ne sert alors non seulement de préservation de la fraîcheur et de la qualité, mais permet également de d'éradiquer les larves, notamment de mites, éventuellement présentes dans les fruits. Il est donc indispensable de prouver que le refroidissement soit effectivement parvenu à tous les fruits du chargement entier pendant la durée requise.

Le capteur part en voyage
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Le capteur de fruits artificiel: la mangue emballé et expédié ensemble avec les autres fruits

Afin de garantir et surveiller précisément ce fait, des chercheurs de l’Empa ont maintenant développé un capteur de fruits. Il prend la forme et la taille du fruit respectif, ainsi que sa composition simulée et peut être emballé et expédié ensemble avec les autres fruits. Une fois le capteur arrivé à destination, ses données peuvent être analysées relativement facilement et rapidement. Les chercheurs espèrent pouvoir en déduire des conclusions sur l’évolution de la température pendant le transport.

Une information importante, notamment pour des questions d’assurance: au cas où un chargement devrait ne pas répondre aux exigences de qualité, le capteur permet notamment de déterminer à quel niveau de la chaîne de stockage et de transport une erreur a été commise. Les premiers résultats sont en tout cas prometteurs : «Nous avons mis les capteurs à l’épreuve dans la chambre froide de l’Empa et tous les tests étaient des succès», explique le responsable projet Thijs Defraeye de la division «Multiscale Studies in Building Physics». Des tests sur le terrain ont actuellement lieu chez Agroscope à Wädenswil.

Un capteur respectif pour Braeburn et Jonagold
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Jusqu’ici, les fruits étaient entaillés et un capteur était placé à l’intérieur. Le fruit était ensuite provisoirement recollé. Cette méthode faussait toutefois les résultats, puisque le fruit devait être endommagé.

Le même capteur ne fonctionne toutefois pas pour tous les fruits, comme l’explique Defraeye. «Nous développons un capteur pour chaque fruit, même pour des variétés.» Il existe ainsi actuellement des capteurs différents pour les variétés de pommes Braeburn et Jonagold, la mangue Kent, les oranges, ainsi que pour la banane Cavendish classique. Afin de pouvoir reproduire les propriétés des différentes sortes de fruits, le fruit est radiographié et un algorithme informatique en déduit la forme et composition moyenne du fruit. À partir de la littérature ou sur la base de leurs propres mesures, les chercheurs déterminent ensuite la composition exacte de la pulpe (le plus souvent une combinaison d’eau, d’air et de sucre) et la reproduisent fidèlement en laboratoire – toutefois pas avec les ingrédients originaux, mais avec un mélange d’eau, de glucides et de polystyrène.

Ce mélange est ensuite versé dans le moule en forme de fruit du capteur. Ces moules sont produits à l’aide d’une imprimante 3D. À l’intérieur de ce fruit artificiel, les chercheurs placent ensuite le capteur à proprement parler, qui enregistre les données – notamment la température nucléaire du fruit. Pour comparaison : les appareils de mesure actuels ne livrent que la température de l’air, ce qui est insuffisant, puisque le fruit peut être plus chaud à l’intérieur. Bien que de tels simulateurs de noyaux de fruits existent déjà dans le cadre de la recherche, ils ne sont pas encore assez précis, explique Defraeye. Des sphères remplies d’eau contenant un capteur seraient notamment déjà utilisées. «Nous avons effectué des tests comparatifs», explique le chercheur. «Notre mélange livre des données nettement plus exactes et simule le comportement d’un vrai fruit à différentes températures de manière beaucoup plus fiable.»

(Encore) sans Wi-Fi

Les premiers tests sur le terrain avec les capteurs sont actuellement en cours et les chercheurs tentent à présent de trouver d’éventuels partenaires industriels en vue de produire les espions de fruits. L’investissement devrait valoir la peine dans tous les cas : selon les estimations, les coûts d’un tel capteur s’élèveraient à moins de 50 francs. Les données ne doivent être analysées que lorsqu’un problème survient avec la marchandise livrée. Cela permettrait également de déterminer efficacement où l’erreur s’est produite.

L’idéal serait évidemment de pouvoir à l’avenir consulter les données du conteneur en direct et en temps réel, afin de pouvoir remédier à temps à un éventuel problème en cas de données alarmantes – et de sauver ainsi la cargaison de fruits. Une connexion wifi ou Bluetooth serait toutefois nécessaire pour cela. «Notre capteur de fruits en est actuellement incapable. Cela ferait évidemment monter le prix du produit», dit Defraeye. Le bénéfice pour les entreprises augmenterait toutefois en conséquence, puisqu’elles seraient capables de livrer davantage de marchandises impeccables à l’aide des capteurs de fruits.

 

Le projet est soutien de la commission pour la technologie et l'innovation (CTI)

Information
Dr. Thijs Defraeye
Laboratory for Multiscale Studies in Building Physics
Tél +41 58 765 47 90

Rédaction / Contact médias
Cornelia Zogg
Communications
Tél +41 58 765 44 54

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