Un modèle de peau remplace les essais sur l’homme

Gélatine à la place d'un avant-bras

19 avr. 2017 | CORNELIA ZOGG
Les caractéristiques de la peau humaine dépendent fortement de son hydratation, ou en d’autres termes : de sa teneur en eau. Cela modifie également son interaction avec les textiles. Jusqu'à présent, il n’était possible de découvrir la réaction de la peau humaine au contact avec des textiles qu’au moyen de tests réalisés sur des personnes. Des chercheurs de l’Empa viennent de développer un modèle de peau artificielle à base de gélatine qui simule presque parfaitement la peau humaine.
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Le modèle de peau de l'Empa : de la gélatine sur un substrat en coton

L’équilibre hydrique de la peau humaine est un système complexe. Un apport d’hydratation la raffermit et modifie ses caractéristiques. On peut l’observer par exemple lors du travail physique dans l’artisanat : un léger film de sueur aide à mieux attraper le marteau ou le tournevis ; mais une sueur excessive fait glisser les outils. L’humidité fait enfler la partie supérieure de la peau (Stratum corneum) et offre ainsi une surface de contact plus importante, ce qui permet plus de soutien. Cependant, trop d'humidité peut aussi avoir des effets négatifs. Le résultat : des ampoules aux pieds ou aux mains, des irritations ou des éruptions. En conséquence, de telles réactions sont fréquemment indésirables en rapport avec les textiles qui couvrent notre peau.

Pour tester la « cohabitation » entre la peau et les textiles, on demandait jusqu’ici à des personnes de frotter leur avant-bras, par exemple contre le tissu à examiner. Ainsi, on pouvait observer comment la peau y réagissait. Tout cela est coûteux, partiellement douloureux et bien sûr aussi lié à un risque pour les sujets de l'expérience. Les textiles réagissent aussi de différentes manières à l'humidité de la surface de la peau. Une légère transpiration en se promenant, une forte transpiration pendant un sport d’endurance ou la course jusque chez soi sous une pluie diluvienne d'été : tout a une influence.

Les tests préalables réalisés sur le modèle et non plus sur des personnes

À l'avenir, il ne sera plus nécessaire que des personnes se frottent contre un t-Shirt. Agnieszka Dabrowska, chercheuse chez Empa, a développé un modèle de peau qui peut simuler avec précision les caractéristiques de la peau humaine et le comportement de la friction avec des textiles courants à l’état sec, humide et mouillé. Et ce avec les mêmes résultats qu’avec la peau humaine. Le modèle va pouvoir être désormais utilisé pour aider au développement de textiles qui entrent directement en contact avec la peau humaine. Ce modèle modifie ses caractéristiques exactement de la même manière que la véritable peau humaine et peut ainsi livrer de premières constatations sans exposer des personnes au risque de se blesser ou de subir des dommages.

La surface de ce modèle de peau change aussi exactement comme la véritable peau : elle se dilate au contact de l'eau et est ainsi plus ferme. Bien sûr, un « test sur un sujet » avec une peau véritable sera tout de même nécessaire dans le déroulement ultérieur du développement du textile, mais les premiers textiles défectueux pourront ainsi être éliminés à peu de frais, sans risque et à un coût assez faible.

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La surface du modèle d’une peau sèche est sillonnée. L’apport d’eau fait enfler la gélatine du modèle – exactement comme sur la véritable peau humaine.
Les oursons gélifiés comme témoins

La base de ce modèle est de la gélatine traditionnelle qu’Agnieszka Dabrowska posée sur une couche de coton. Mais la gélatine normale se dissout au contact de l'eau. Pour empêcher cela, Dabrowska travaille la gélatine et l’enveloppe d’une espèce de grille qui retient les molécules et empêche ainsi la dissolution. Cela s’effectue par ce qu’on appelle un « cross-link » par lequel des chaînes de polymères sont liées chimiquement les unes aux autres pour modifier les caractéristiques physiques. « J’ai tout d’abord voulu travailler avec de la kératine », raconte Dabrowska. La kératine est une protéine fibreuse de la peau insoluble dans l'eau. Mais ce produit est extrêmement cher. « La gélatine a des qualités semblables à celles de la kératine, mais elle est nettement plus abordable », ajoute Dabrowska. « Il y a aussi des chercheurs qui ont par exemple fait des essais avec des oursons en gélatine. » Eux aussi se dilatent au contact de l'eau – exactement comme la peau humaine. Le modèle en gélatine ne coûte que quelques francs suisses, alors qu’un modèle en kératine peut rapidement se monter à quelques milliers de francs.

Mais cette chercheuse d'Empa va encore un peu plus loin : pour le moment, le modèle est encore accroché à des câbles et à des tuyaux flexibles pour son humidification, mais cela changera bientôt. Son équipe veut faire suer la peau artificielle via ses propres pores pour se rapprocher plus encore de la réalité.

Informations

Agnieszka Dabrowska
Biomimetic Membranes and Textiles
Tél. +41 58 765 70 33


Rédaction / Contact médias

Cornelia Zogg
Communications
Tél. +41 58 765 44 54


Literature

In vivo confirmation of hydration-induced changes in human-skin thickness, roughness and interaction with the environment, Biointerphases 11, A. Dąbrowska, C. Adlhart, F. Spano, G.M. Rotaru, S. Derler, L. Zhai, N.D. Spencer, R.M. Rossi, DOI: 10.1116/1.4962547

A water-responsive, gelatin-based human skin model, Tribology International, A. Dąbrowska, G.M. Rotaru, F. Spano, Ch. Affolter, G. Fortunato, S. Lehmann, S. Derler, N.D. Spencer, R.M. Rossi, DOI: 10.1016/j.triboint.2017.01.027