National Innovation Briefing à l’Empa

Les matériaux intelligents: un investissement valable

14 août 2009 | MARTINA PETER

Les systèmes et les matériaux intelligents ont de l’avenir – un point sur lequel les scientifiques et les politiciens sont unanimes. Pourtant, en ces temps de crise, nombre d’entreprises suisses font preuve de retenue dans leurs investissements en recherche et en développement. L’agence pour la promotion de l’innovation CTI désire changer cela. C’est pourquoi elle a lancé avec l’Empa une invitation à participer à un «innovation briefing» sur le thème des matériaux intelligents. L’intérêt rencontré fut considérable.

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Legende: Les systèmes de matériaux intelligents permetent de produire des outils à bon marché. La pince de ce robot est moulée d’une seule pièce.

 

200 représentants de l’industrie et de la recherche son venus s’informer à l’Académie Empa des nouvelles mesures de promotion de l’innovation de la Confédération et sur le programme national de recherche PNR 62 «Matériaux intelligents». Les experts de l’Empa et d’autres institutions de recherche leur ont présenté leurs projets de recherche les plus récents et montré où une coopération entre la science et l’industrie est prometteuse de succès.

 

«Nous désirons aider les PME et l’industrie à se positionner sur le marché prospectif révolutionnaire des matériaux intelligents, c’est ainsi que résume Ingrid Kissling-Näf», directrice du l’Agence pour la promotion de l’innovation CTI, le but du National Innovation Briefing qui s’est déroulé le 13 août. Elle est convaincue que ce thème innovateur peut contribuer à la création de nombreux emplois et renforcer ainsi l’économie suisse. Les Innovation Briefings organisés sur l’initiative de la CTI – de telles manifestations ont déjà eu lieu sur des thèmes tels que les technologies énergétiques propres – ont pour but de réunir les entrepreneurs et les chercheurs pour esquisser et lancer des projets communs.

 

Les matériaux intelligents offrent des solutions à des nombreux problèmes
L’expert en matière de transfert de technologie de l’association industrielle Swissmem Josef Keller sait comment peuvent s’établir des partenariats de recherche fructueux: «Les chercheurs suisses occupent certes une position de pointe dans la génération de savoir. Toutefois ceci ne garantit pas automatiquement le succès du transfert de ce savoir. Cela parce que l’industrie veut tout d’abord voir résoudre ses problèmes primordiaux. Il s’agit donc avant tout d’établir des liens et de créer un climat de confiance», comme l’a expliqué Keller à ses auditeurs de l’industrie des machines, de l’électrotechnique et de l’énergie, de la technique médicale, de la construction et de l’horlogerie. Lors d’un apéritif ou de la séance de posters, cette manifestation qui s’est tenue à l’académie Empa offrait aussi suffisamment d’occasions à ses participants de nouer des liens dans un cadre convivial et de connaître ainsi les idées ou les problèmes de l’autre. Les experts de la CTI, du FNS et du service de transfert de technologie de l’Empa se tenaient aussi à disposition pour donner des conseils pratiques sur les possibilités de promotion et de soutien en matière de transfert de technologie.

 

«Les matériaux intelligents offrent à l’industrie des réponses élégantes et taillées sur mesure aux questions les plus diverses», c’est la conviction de Louis Schlapbach, président du groupe directeur du PNR 62 «Matériaux intelligents» et ancien directeur de l’Empa. Ces matériaux sont qualifiés d’intelligents pace qu’ils sont capables de s’adapter de manière optimale à leur environnement en fonction de la situation, a expliqué Schlapbach. «Les matériaux intelligents modifient leurs propriétés physiques, chimiques ou biologiques lorsqu’ils sont soumis à une stimulation extérieure. Lorsque ce stimulus cesse, ils retrouvent alors leur état initial.»

 

Le Fonds national suisse et la CTI offrent leur soutien financier et organisationnel
On peut imaginer, par exemple, un vis en matériau intelligent pour des applications médicales: la réduction de la fracture d’un adolescent de quinze ans qui s’est cassé la jambe à ski ne demande pas la mise en place à vie de vis pour sa consolidation. Après la guérison, la vis «intelligente» devenue superflue pourrait être excitée par un stimulus extérieur et se détacher ainsi du tissu osseux pour être beaucoup plus facilement retirée lors d’une intervention. Le programme de recherche dirigé par Schlapbach et financé par le Fonds national Suisse, dispose pour les cinq années à venir d’un budget de 11 millions de francs pour le soutien de telles idées. Sur les 80 groupes qui ont soumis début 2009 des premières esquisses de projets, 27 ont récemment été invités à soumettre une demande détaillée. Ce que le PNR 62 a de particulier, c’est que si, après leur phase de démarrage, les projets se révèlent aptes à une commercialisation, la CTI recommande leur poursuite dans un projet subséquent avec des partenaires industriels. Cela afin d’assurer que les résultats de la recherche trouvent aussi effectivement leur voie vers le marché.

 

De très larges possibilités d’utilisation
Des ingénieurs et des scientifiques des matériaux de l’Empa et d’autres institutions de recherche ont commenté dans de brefs exposés les domaines dans lesquels les matériaux intelligents pourraient trouver une utilisation. «Une des tâches les plus gratifiantes pour nous autres ingénieurs est d’utiliser habilement et efficacement les caractéristiques des matériaux pour leur conférer des propriétés fonctionnelles, de les mettre en liaison avec des applications appropriées pour créer ainsi des produits innovateurs», commente Paolo Ermanni de l’«Institut für Mechanische Systeme» de l’ETH de Zurich qui dirige aussi , avec le chercheur de l’Empa Edoardo Mazza, le programme de recherche «Matériaux et systèmes adaptatifs» de l’Empa. Les applications concrètes vont des systèmes intelligents pour l’amortissement des vibrations sur les carrosseries des voitures, en passant par des éléments composés de matériaux intelligents pour l’industrie aéronautique et spatiale permettant leur contrôle en vol et jusqu’aux alliages à mémoire de forme, par exemple pour des vannes qui s’ouvrent et de ferment à des températures bien déterminées.

 

Mais les vannes ne sont pas seules à pouvoir être asservies de la sorte, les chercheurs ont aussi dans leur point de mire des lentilles optiques d’un type nouveau. La start-up de l’ETHZ «Optotune» développe à l’Empa des lentilles qui peuvent se déformer sous l’action de «muscles artificiels», à la manière de l’œil humain. Les systèmes de lentilles traditionnels reposent sur des lentilles rigides qui sont positionnées mécaniquement. Grâce aux polymères électroactifs (PEA) qui se déforment lorsqu’on leur applique une tension électrique, il est possible de déformer les lentilles elles-mêmes pour leur conférer la courbure désirée et d’imiter ainsi l’œil humain.

 

 
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Le dirigeable «Blimp» de l’Empa se déplace comme ne truite dans l’eau: son enveloppe et ses «nageoires» comportent des actuateurs en polymère électroactif.

 

 

Les muscles artificiels permettent même de faire voler les poissons. Récemment, un dirigeable d’une longueur de huit mètres, qui se meut à la manière d’une truite dans l’eau, a volé dans les halles de l’Empa. Son enveloppe et ses «nageoires» renferment des actuateurs en PEA qui, sous l’action d’une tension électrique, sont amenés à s’allonger et à se rétracter. Ce «poisson» se déplace ainsi absolument sans bruit et en douceur dans l’air à une vitesse d’un mètre par seconde. Un tel dirigeable serait particulièrement bien adapté comme plateforme aérienne pour l’observation de l’environnement ou de la faune. Ce principe pourrait aussi s’utiliser pour la réalisation de pompes péristaltiques.

 

Les «Compliant Systems», autrement dit les systèmes flexibles, tels que ceux que développent l’initiative de recherche de l’Empa et de l’ETHZ «kompliant.ch» sont encore un autre domaine d’utilisation. Ces systèmes sont à la fois suffisamment flexibles pour supporter des déformations importantes mais aussi assez rigides pour supporter des grandes charges. Ils permettent de fabriquer à bas prix des outils d’une seule pièce capables de transmettre des forces sans articulation. Au contraire des mécanismes usuels, leur déformabilité ne repose pas le glissement de pièces rigides entre elles mais sur la déformation élastique du matériau.

 

Finalement, dans le laboratoire «Ingénierie des structures» de l’Empa, un groupe de chercheurs combat avec succès les vibrations des ponts à haubans au moyen de matériaux intelligents. En collaboration avec l’industrie, ce groupe a développé des amortisseurs de vibrations adaptatifs. Ces amortisseurs à fluide magnétorhéologique (amortisseurs MR) auto-asservis modifient leur force d’amortissement en fonction des vibrations effectives des câbles: plus les vibrations des câbles – mesurées par des capteurs de déplacement – sont importantes, plus la force d’amortissement augmente, permettant ainsi d’éviter les ruptures par fatigue des torons. De tels amortisseurs ont par exemple été installés en Croatie sur le pont Tudjman à Dubrovnik et en Chine sur le pont à haubans de Sutong qui enjambe le Yangtzé.

 
 


 

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