Sur le chemin du CO2

Le Jungfraujoch, nouveau terrain d'expérience pour jauger l'impact de l'activité humaine sur les gaz à effets de serre.

19 nov. 2008 | MARTINA PETER
Quel est la contribution des activités humaines aux émissions de dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre ? Grâce à un nouvel instrument de mesure, des scientifiques de l'Empa tentent l'enquête depuis cet été au Jungfraujoch. L'expérience menée en altitude permet pour la première fois de déterminer en continu la signature isotopique du CO2, dont les caractéristiques dependent de la source de dioxyde de carbone. Cette mesure en continu est possible depuis peu grâce à une nouvelle source de lumière, le laser à cascade quantique, développé par l'entreprise neuchâteloise Alpes Lasers, une partenaire du Pôle de recherche national photonique quantique (PRN-QP).
https://www.empa.ch/documents/56164/292023/a592-2008-11-19-b0s+stopper+C2SM-Eroeffnung.jpg/3c07a4fc-e4c4-4d2c-a21d-04a529c1e14e?t=1448299112000
 

Legende:  Chambre de mesure: L’échantillon gazeux à évaluer est introduit dans cette chambre en continu (jusqu’à 10 litres / minute) et est mesuré grâce à l’absorption du faisceau laser (visible en rouge sur cette image).


Un appareil transportable qui mesures sur site et en continu Autour de ce laser, l'Empa a créé un appareil facilement transportable et robuste, permettant de réaliser efficacement des mesures sur site et en continu, les résultats étant lus et traités à distance de façon automatique et en temps réel. On passe ainsi du laboratoire au terrain. «Les recherches que nous avons menées seront utiles à l'ensemble des climatologues qui se basait jusqu'ici sur la prise d’échantillons singuliers qui étaient ensuite transportés en laboratoire et analysés de façon compliqué et coûteuse. Le nouveau spectormètre nous permit de faire plusieurs analyses par minute au Jungfraujoch, sans intervention de notre part », explique Lukas Emmenegger, chercheur à l’Empa.

 

Situation unique au Jungfraujoch:
Il y a deux avantages à aller sur un terrain aussi atypique que le Jungfraujoch. D'une part les mesures en altitude reflètent l'activité naturelle ou industrielle sur une très large échelle car la masse d'air mesu-rée a parcourue tout le continent. Mais aussi, le Jungfraujoch est une station du réseau national d'observation des polluants atmosphériques (NABEL) et de la recherche atmosphérique du Global Atmosphere Watch (GAW) de l’organisation météorologique mondiale (OMM).

 

 
 

Montage et réglage de l’instrumentation.

 

 

Travailler avec les signatures isotopiques
Le dioxyde de carbone est le principal gaz responsable des changements climatiques. Une partie des émissions étant produite par la nature (par exemple par la respiration des bactéries, des animaux et des végétaux), une compréhension précise de la quantité de CO2 émise par les différentes sources – naturelles ou artificielles – est primordiale pour prendre les mesures appropriées de réduction des émissions. Heureusement, la nature nous offre une information précieuse, bien qu'assez énigmatique : la signature isotopique. Suivant son origine, la composition du CO2 est légèrement altérée au niveau des isotopes entrants dans sa composition. Les plantes et les bactéries sont en effet capables de «filtrer» certains isotopes du carbone lors de la photosynthèse. On retrouve donc cette «sélection» dans le pétrole et autres énergies fossiles (issu de processus biologiques) et enfin dans le CO2 produit par leur combustion. Une différence ténue que l'instrumentation développée par le groupe du Lukas Emmenegger à l’Empa est capable de mesurer.

 

 
  Alignement de précision de la partie optique: Le faisceau laser doit être guidé vers la chambre de mesure, puis le signal en retour vers le détecteur.
 

 

Un projet de collaboration
«Nous collaborons étroitement avec le Professeur Leuenberger de l’Université de Berne qui analyse la composition isotopique d’échantillons individuels de CO2 au Jungfraujoch depuis plusieurs années» indique Lukas Emmenegger. Ce développement a d'ailleurs été réalisé conjointement avec un partenaire commercial américain (Aerodyne Research) qui le commercialise depuis 2007. Cinq unités ont déjà été vendues. Le projet a été soutenu financièrement par le Pôle de Recherche National – Photonique Quantique et l’Office Fédéral de l'Environnement (OFEV).