L'intelligence artificielle dans la recherche sur les matériaux

Moteur de recherche pour bois intelligent

23 juil. 2018 | RAINER KLOSE
Spécialiste de la biochimie du bois à l'Empa, Mark Schubert travaille sur les modifications des propriétés du bois sous l’effet de l’enzyme laccase. Son travail équivaut à trouver, dans un énorme trousseau, la clé qui convient à une serrure. Pour éviter de tâtonner en vains, Mark Schubert recourt à l’intelligence artificielle.

https://www.empa.ch/documents/56164/4789247/Smart+Wood+Stopperbild.jpg/d5629974-b41a-4b7a-955b-1c124e0890ac?t=1532347526000
Le traitement du bois permet de lui conférer des propriétés prometteuses d’étanchéité, de conductibilité, magnétiques, etc. Image: Thordis Rüggeberg
L’enzyme laccase modifie la structure chimique de la surface du bois, ce qui permet de conférer à ce dernier des fonctionnalités additionnelles, sans incidence sur sa structure profonde. Les chercheurs de l’Empa ont ainsi développé, par fixation de molécules fonctionnelles, des surfaces de bois imperméables à l’eau ou encore antimicrobiennes. De la même manière, on parvient à faire adhérer entre elles des fibres de bois, sans ajout de colle, pour produire des panneaux isolants dépourvus de solvants.

Il y a cependant un problème: il existe une multitude de variantes de l’enzyme laccase qui se distinguent entre elles par l’architecture de leur noyau chimiquement actif, et toutes ne réagissent pas avec les substrats souhaités. L’identification d’appariements laccases-substrats pertinents exige de longues et coûteuses séries de tests. Des simulations moléculaires pourraient résoudre le problème. Il suffirait que l’on dispose d’une analyse précise de la structure des enzymes laccases pour pouvoir simuler par ordinateur le mécanisme de réaction chimique de la combinaison souhaitée. Mais cela demande une énorme puissance de calcul et le processus demeurerait très long et coûteux.

Il y a toutefois un moyen d’aller plus vite. C’est le «deep learning», ou «apprentissage profond». Un programme d’intelligence artificielle est entraîné à reconnaître des échantillons à partir de données de la littérature scientifique et de ses propres expériences: quelle laccase oxyde quel substrat? Dans quelles conditions le processus recherché pourrait-il se dérouler de manière optimale? Le plus étonnant est que cette recherche fonctionne même sans que tous les détails du mécanisme chimique soient connus.

«Deep learning» par la littérature spécialisée
https://www.empa.ch/documents/56164/4789247/Laccase-chemie_f.jpg/50bfd90a-a701-4eaf-9fa8-340379752626?t=1533289475000
Les enzymes n’interviennent pas directement dans les réactions à la surface du bois, mais elles les facilitent en jouant leur rôle catalyseur.

C’est la mise à disposition de données sous une forme appropriée et l’architecture du réseau de «deep learning» qui sont déterminants. Mark Schubert opère déjà depuis plus de sept ans avec des réseaux de neurones artificiels. Son premier travail remonte à 2012, son plus récent date de cette année. «Au début, nous utilisions des réseaux neuronaux plats, avec une couche d’entrée [input-layer], une couche cachée [hidden-layer] et une couche de sortie [output-layer]. Aujourd’hui, nous mettons en oeuvre des réseaux bien plus complexes intégrant plusieurs couches cachées; ils sont bien plus performants.» Mark Schubert exerce ses algorithmes en utilisant des ensembles de données connus et les teste avec des ensembles que le système n’a encore jamais vus. Il tire un constat surprenant concernant la robustesse du moteur de recherche «Smart Wood». Autrefois, pour parvenir à des résultats satisfaisants, il ne pouvait utiliser que des données soigneusement sélectionnées et significatives. Il teste maintenant son système avec une montagne de données en partie inutilisables. Et la machine fait elle-même la part entre ce qui est utilisable et initilisable.

Applications industrielles

La robustesse du système permet déjà d’utiliser la machine de «deep learning» dans l’industrie. Mark Schubert entretient un partenariat de longue date avec Pavatex; avec l’aide d’enzymes laccases, cette entreprise fabrique des panneaux d’isolation auto-agglomérants. La chaîne de production est truffée de capteurs qui collectent d’énormes masses de données, qui disent chacune quelquechose sur la qualité des panneaux. Mais quoi exactement? Le moteur Smart Wood de Mark Schubert est capable de le clarifier.

Ce spécialiste cherche maintenant à optimiser la production par ce biais. Si un défaut est décelé sur une étape de la préparation des fibres, il convient de corriger le processus avant qu’il n’y ait altération de la qualité du produit. Cette tactique permet d’éviter de fastidieux contrôles de qualité du produit fini et de réduire sensiblement le risque de défauts dans la chaîne des opérations de production.

Informations

Dr. Mark Schubert
Applied Wood Materials
Tél. +41 58 765 76 24
mark.schubert@empa.ch


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Focus machine learning


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Artificial intelligence will change our lives in the coming years – just as dramatically as the triumphant advance of smartphones. New opportunities are also opening up in materials research. Empa scientists use self-learning systems to process the pinpointed chemical modification of wood, blast rocks with electrical charges and monitor the quality of 3D-printed metallic workpieces – while they are being produced. In this issue of EmpaQuarterly you will see how “machine learning” works in general and what it can achieve especially in the field of materials science. Empa Quarterly # 61 / 2018