Les substituants des HCFC: bons pour la couche d’ozone, mauvais pour le climat

La protection du climat exige une réduction des gaz fluorés à effet de serre

24 févr. 2012 | REMIGIUS NIDERÖST

Le protocole de Montréal a abouti à l’interdiction de la plupart des substances détruisant la couche d’ozone telles que les hydrochlorofluorocarbures (HCFC). Un bel effet secondaire: comme les HCFC sont de puissants gaz à effet de serre, leur interdiction progressive a aussi eu un effet bénéfique sur le climat.

https://www.empa.ch/documents/56164/266851/a592-2012-02-26-b0s+jetzt+stopper+science.jpg/48db7641-3b6e-42dd-91ea-3bc32363511e?t=1448297196000
 

Mais maintenant un «effet de rebond» menace de provoquer une accélération supplémentaire du réchauffement climatique. En effet, les hydrocarbures fluorés utilisés en remplacement des HCFC sont émis dans l’atmosphère en quantités sans cesse croissantes et ils sont eux aussi de puissants gaz à effet de serre qui, de plus, sont pour certains extrêmement persistants. Dans la revue scientifique «Science», une équipe internationale de chercheurs recommande d’émettre aussi une réglementation sur les plus puissants de ces gaz climatiques.

On le considère comme l’accord international sur l’environnement qui peut s’enorgueillir du plus grand succès: le Protocole de Montréal sur la protection de la couche d’ozone qui a entre temps été ratifié par 196 pays. Suite à cet accord, les HCFC et autres destructeurs de l’ozone disparaîtront peu à peu de l’atmosphère au cours des prochaines décennies. La diminution de leurs concentrations est aussi bénéfique pour le climat car nombre de HCFC sont de très puissants gaz à effet de serre.

Jusqu’ici tout va pour le mieux. Toutefois pour de nombreux processus dans lesquels on utilisait auparavant des HCFC, on a maintenant de plus en plus recours à des hydrofluorocarbures (HFC), en gros des substances analogues aux HCFC mais ne renfermant pas de chlore) qui ne détruisent pas la couche d’ozone stratosphérique. Les HFC s’utilisent comme agents réfrigérants dans les installations de climatisation et dans les réfrigérateurs, comme gaz propulseurs dans les sprays, comme solvants ou comme agents moussants dans la production des mousses polymères. Leur seul inconvénient, mais de taille: les HFC sont eux aussi de puissants gaz à effet de serre; le HFC-134a qui s’utilise par exemple dans les climatisations des voitures est un gaz dont le potentiel de réchauffement global est 1430 fois plus élevé que celui du gaz à effet de serre «classique» qu’est le dioxyde de carbone (CO2).

 

Les accords internationaux peuvent aussi avoir des effets secondaires indésirables
La réduction des émissions des gaz à effet de serre fait l’objet du Protocole de Kyoto qui n’a toutefois pas de pouvoir contraignant ni pour le plus gros producteur de gaz à effet de serre que sont les USA (qui ne l’ont jamais ratifié) ni pour les pays émergents et en voie de développement. De plus, la durée de ce protocole est limitée (pour l’instant) à la période de 2008 à 2012 et aucun accord n’a pu être atteint sur la prolongation de son application. Autrement dit: la nette augmentation des émissions globales de HFC enregistrée ces dernières années pourrait bientôt venir annuler le ««bénéfice climatique» apporté par l’interdiction des HCFC par le Protocole de Montréal.

L’existence de cette relation est étayée dans une étude publiée dans le dernier numéro de la revue scientifique «Science». Dans cette étude, une équipe internationale de chercheurs, placée sous la direction du Hollandais Guus Velders et dont faisait aussi partie, à côté du prix Nobel de chimie Mario Molina, le chercheur de l’Empa Stefan Reimann, a tout d’abord déterminé le bénéfice climatique «involontaire» du Protocole de Montréal. Depuis l’an 2000, le forçage radiatif – une grandeur de mesure des effets des substances chimiques sur le climat – de toutes les substances endommageant la couche d’ozone, y compris les HCFC, est resté plus ou moins constant avec 0.32 W/m2 (à titre comparatif: pour le CO2 cette valeur était de 1.5 W/m2); sans le Protocole de Montréal, cette valeur atteindrait le double, soit 0.65 W/m2. En d’autres termes: l’interdiction des HCFC a permis d’économiser en 2010 l'équivalent de 10 milliards de tonnes de CO2 – soit cinq fois l’objectif de réduction annuelle fixé dans le Protocole de Kyoto.

Velders, Reimann et leurs co-auteurs craignent que ce bénéfice ne soit bientôt annulé par la croissance annuelle de 10 à 15 pour-cent des émissions de HFC et ils considèrent que la contribution des HFC au changement climatique est un effet secondaire indésirable du Protocole de Montréal. Cette contribution est actuellement certes encore faible, au total pour toutes les substances de substitution des HCFC juste 0.012 W/m2. Mais il ne fait aucun doute que le forçage radiatif des HFC va nettement augmenter à l’avenir du fait d’un accroissement de leur demande et de leur production, principalement dans les pays émergents et dans les pays en voie de développement. Les scientifiques de l’atmosphère estiment que cette valeur pourrait se situer entre 0.25 et 0.4 W/m2 en 2050. Parmi les HFC, se sont avant tout les HFC saturés qui font problème car ils sont extrêmement stables et peuvent persister jusqu’à 50 ans dans l’atmosphère. C’est aussi pourquoi leur potentiel de réchauffement global à long terme est jusqu’à 4000 fois plus élevé que celui du CO2. Pour le chercheur de l’Empa, Reimann, il est donc clair que les HFC à longue durée de vie ne devraient plus être utilisés avec une telle ampleur.

 

 
  La consommation mondiale de HCFC a atteint son maximum à la fin des années 1980 avec près de 1.1 millions de tonnes par année. Avec leur interdiction par le Protocole de Montréal, leur consommation a diminué rapidement au cours des années suivantes; simultanément les quantités de HFC mises en circulation en remplacement des HCFC «tueurs d’ozone» ont augmenté de manière marquante. (Source: «HFCs: A Critical Link in Protecting Climate and the Ozone Layer», UNEP, 2011)
 

 

Une solution «simple»: l’élargissement du Protocole de Montréal
Ces chercheurs proposent entre autres d’élargir le Protocole de Montréal pour y inclure aussi les HFC à longue durée de vie. Des propositions dans ce sens ont déjà été émises l’année passée par différents pays, dont les USA. «Comme c’est en fait le Protocole de Montréal qui a conduit à une production accrue de ces substances, elles pourraient être inclues et réglementées dans ce protocole», estime Reimann. Une interdiction progressive des HFC est techniquement tout à fait réalisable car les solutions de remplacement existent tant sur le plan chimique que technologique. Ainsi, par exemple, aux USA on utilise du HFC-134a comme agent réfrigérant dans les réfrigérateurs alors qu’en Suisse cette substance est interdite pour cet usage et l’on utilise en remplacement des hydrocarbures neutres pour le climat.

 

 
  Pronostics des émissions de HFC attendues pour différents scénarios. Le scénario le plus favorable est celui dans lequel les émissions de HFC demeurent au niveau de celles des HCFC, et où les HFC actuellement utilisés (avec une durée de vie atmosphérique moyenne de 15 ans et un potentiel de réchauffement climatique de 1600) sont remplacés par des HFC d’une durée de vie inférieure à 2 ans et présentant un potentiel de réchauffement global inférieur à 20. (Source: «HFCs: A Critical Link in Protecting Climate and the Ozone Layer», UNEP, 2011)
 

 
 


 

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Bibliographie

G.J.M. Velders, A.R. Ravishankara, M.K. Miller, M.J. Molina, J. Alcamo, J.S. Daniel, D.W. Fahey, S.A. Montzka,
S. Reimann, Preserving Montreal Protocol Climate Benefits by Limiting HFCs, Science (2012),
DOI: 10.1126/science.1216414