Les polymères renforcés de fibres pour rendre leur jeunesse aux ouvrages de construction anciens

Des pansements pour les constructions atteintes par l’âge ou exposées à des risques sismiques

24 janv. 2007 | REMIGIUS NIDERÖST

Les polymères renforcés de fibres sont aujourd’hui fréquemment utilisés pour adapter des bâtiments à une nouvelle destination ou pour accroître leur résistance sismique. Le succès de ces matériaux modernes repose sur leur facilité d’utilisation et leur faible poids. Mais toute nouveauté demande une certaine prudence. A la mi-janvier des spécialistes venus de toute l’Europe ont discuté à l’Empa de leurs expériences dans les applications nouvelles de matériaux composites à base de fibres.

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Il y a juste vingt ans le directeur d’alors de l’Empa Dübendorf, Urs Meier, lançait l’utilisation des polymères renforcés de fibres de carbone (PRC) dans la construction. Une petite révolution si l’on considère que ce matériaux à l’époque encore fort coûteux était employé pour ces propriétés particulières avant tout dans l’industrie spatiale et aéronautique. Dans ses très nombreux travaux, Urs Meier a depuis apporté la preuve que les PRC sont tout à fait appropriés pour des utilisations en génie civil et dans la construction, et plus particulièrement en remplacement de l’acier utilisé jusque là pour le renforcement ultérieur des structures. Aujourd’hui, il n’est plus possible d’imaginer le génie civil et la construction sans les polymères renforcés de fibres, cela entre autres du fait de leur légèreté et de leur insensibilité à la corrosion. Leur prix, à l’origine élevé, a vite été compensé par leur facilité d’utilisation. Avec l’accroissement de la demande et de la production, le prix des PRC a aussi rapidement chuté. Et la demande va continuer d’augmenter du fait des nouvelles possibilités d’application qui s’ouvrent sans cesse: De plus en plus d’ouvrages de construction ont atteint un âge avancé et doivent être réparés ou renforcés. Et les polymères renforcés de fibres sont souvent la solution économiquement la plus judicieuse pour cela: pourquoi démolir un ouvrage et le remplacer par un (coûteux) ouvrage neuf alors qu’il est possible de le réparer (avantageusement) avec des PRC?

 
Une structure de bâtiment de deux étages sur la table vibrante: Grâce au renforcement par collage de lamelles de PRC cette construction résiste à des accélérations élevées.
 

Des bâtiments sur la table vibrante

Ce «boom» ne doit toutefois pas conduire à négliger la sécurité. C’est à cette tâche que se consacre un groupe de travail de la „International Federation for Structural Concrete“ (fib), qui propage l’utilisation des polymères renforcés de fibres et émet en même temps des recommandations pour leur utilisation. Ce groupe de travail s’est réunis à la mi-janvier à l’Empa à Dübendorf pour y échanger des expériences et procéder à la révision et à l’élaboration de directives. Parallèlement à cela s’est déroulé un séminaire lors duquel huit ingénieurs renommés ont présenté leurs travaux de recherche actuels sur le renforcement sismique des bâtiments et sur des utilisations particulièrement intéressantes des PRC.

C’est ainsi que, par exemple, Kypros Pilakoutas de l’Université de Sheffield (UK) et son collègue Marco Di Ludovica de l’Université de Naples (I) ont présenté les essais qu’ils ont réalisé sur des structures de bâtiment de 2 et 3 étages qu’ils avaient construites sur une table vibrante et soumises à de fortes accélérations. Même avec de telles sollicitations, les structures renforcées au moyen de PRC ne présentaient pour ainsi dire aucun dommage alors que celles qui n’avaient pas été renforcés s’étaient rapidement écroulées.

 
Maçonnerie renforcée par collage de lamelles de PRC.
 

Le chef du Laboratoire Ingénierie des structures de l’Empa, Masoud Motavalli, dont l’équipe de chercheurs avait il y a environ une année et demie soumis à un essai sismique une maison unifamiliale destinée à la démolition au Valais, a présenté à l’aide de photographies comment en Iran des bâtiments historiques – mais aussi l‘Ambassade suisse à Téhéran – ont été renforcés au moyen de PRC pour améliorer leur résistance sismique.

Cet ingénieur de l’Empa, qui est aussi professeur assistant à l’Université de Téhéran, transfère ainsi avec succès les résultats des travaux de recherche actuels dans sa patrie où les risques sismiques sont importants.

 

Son collaborateur Christoph Czaderski a présenté par ailleurs une nouvelle méthode développée à l’Empa qui permet non plus de coller les lamelles de renforcement en PRC sous forme de renforcement passif mais de les mettre tout d’abords sous tension pour les coller ensuite comme lamelles précontraintes, ce qui présente plusieurs avantages, tels qu’un des déformations plus faibles et des fissures moins larges des ouvrages ainsi renforcés.

Une variante intéressante des matériaux renforcés de fibres a été présentée par Thanasis Triantafillou de l’Université de Patras qui a remplacé les fibres de carbone par des fibres textiles et les polymères par du mortier conventionnel. Même si les valeurs déterminées en laboratoire n’atteignent pas tout à fait celles des matériaux high-tech, les composites à base de fibres textiles présentent des avantages. Les fibres textiles doivent être fabriquées selon un procédé spécial et ne sont ainsi pas beaucoup moins chères que les fibres de carbone mais par contre le prix du mortier est insignifiant par rapport à celui des polymères. De plus des ouvriers du bâtiment sans formation particulière peuvent procéder aux renforcements avec ces matériaux qui leur sont familiers, supprimant ainsi le recours à des spécialistes coûteux.

Fini les bricolages!

Urs Meier, qui vient de se voir décerner au mois de décembre le «Lifetime Achievement Award» par l’International Institute for FRP in Construction (IIFC) pour ses travaux de recherche dans le domaine des PRC, a lancé un regard vers l’avenir. Lui, qui est naguère allé chercher les PRC dans l’aéronautique pour les amner dans le génie civil, est d’avis qu’il faut à nouveau s’inspirer de l’industrie aéronautique. Au lieu de bricoler avec des colles liquides, comme l’a exprimé Meier, il se propose d’utiliser à l’avenir des lamelles de PRC pré-imprégnées. A l’Empa une doctorante travaille déjà sur cette méthode «propre».

 
Lors de la «2nd Young Researchers' Conference on FRP Reinforcement in Construction» européenne qui s’est déroulée avant le congrès, le jury a attribué le «Best Paper Award» ex aequo, et la médaille d’argent Mirko Ros, à (de g. à dr.): Ernst L. Klamer, Université technique de Eindhoven, et Lander Vasseur, Université de Gent. Pour le meilleur poster, Dionysios A. Bournas, Université de Patras, s’est vu lui aussi attribuer la médaille d’argent Mirko Ros.
 

D’une manière générale, le travail doit être professionnalisé et automatisé. Sans ces mesures, le renforcement de grands ouvrages de construction ne sera pratiquement plus possible. Un exemple: la stabilisation du pont de Felsenau à Berne nécessite près de huit kilomètres de lamelles de PRC. Une entreprise loin d’être simple si l’on doit coller une à une les lamelles de PRC. C’est aussi pourquoi Urs Meier souhaiterais disposer d’un appareillage qui pose ces lamelles «à la chaîne».

Il ne faut pas oublier que, comme le précise ce pionnier des PRC, dans la construction les innovations ne sont accueillies qu’avec réserve. Il s’est ainsi passé bien 12 ans jusqu’à ce que son idée du renforcement au moyen de PRC ait «décollé». Puissent les représentants de la construction présents à cette réunion lui prouver qu’aujourd’hui cela peut aller plus vite!

Fachliche Informationen

Christoph Czaderski, Ingénierie Lab. des structures, tél. +41 44 823 4216, christoph.czaderski@empa.ch

Prof. Dr. Masoud Motavalli, Chef Lab. Ingénierie des structures, tél. +41 44 823 4116, masoud.motavalli@empa.ch

Prof. Dr. h.c. Urs Meier, tél +41 44 823 4100, urs.meier@empa.ch

Rédaction

Rémy Nideröst, Communication, tél. +41 44 823 4598, remigius.nideroest@empa.ch