Une plateforme de dialogue pour la nanotechnologie

«Nano» pour maîtriser les grands défis dufutur

Jul 10, 2009 | REMIGIUS NIDERÖST

Que ce soit en médecine, pour l’approvisionnement en énergie ou en matière de protection de l’environnement, la maîtrise des défis du futur ne pourra pas se passer de la nanotechnologie. Parallèlement à cela, il s’agit aussi d’examiner sous la loupe ses risques potentiels – par exemple ceux des nanoparticules libres; ce sont là les conclusions de la 3e NanoConvention de l’Empa qui s’est tenue le 6 juillet à Zurich en présence de 150 «nano-intéressés» de la recherche, de l’industrie, de autorités et du secteur financier.

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La NanoConvention s’est donné pour but d’établir une nanotechnologie sûre comme moteur d’investissement pour l’économie et la société suisse. «Le passé nous apprend que les nouveaux développements technologiques doivent toujours quitter la tour d’ivoire de la science pour aller au contact de la rue – des hommes», explique Hans Hug, directeur du programme de recherche ««Nanotechnologie» de l’Empa, qui souligne encore qu’il est indispensable d’engager un dialogue précoce, ouvert et aussi large que possible sur les chances et les risques des nouvelles technologies.
 

 
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Des auditeurs attentifs à la NanoConvention 2009 au Swissôtel à Zurich-Oerlikon.

 

 
Un domaine dans lequel Wolfgang Heckl, physicien de l’Université Ludwig-Maximilian de Munich et directeur du Deutsches Museum de cette ville, est depuis longtemps actif. «D’un côté les gens sont fascinés par le côté «secret» de la recherche», déclare Heckl qui poursuit: «Ceci s’applique tout particulièrement aussi à la nanotechnologie où tout se déroule dans l’invisiblement petit. D’autre part, nombreux sont ceux qu’inquiètent les «bribes d’information» lâchées dans les médias sur ce que pourrait soi-disant provoquer la nanotechnologie.»
 
Un laboratoire transparent
Pour conférer davantage de transparence aux nanosciences, le Deutsches Museum, le plus grand musée des sciences et de la technique du monde qui reçoit chaque année 1,5 millions de visiteurs, construit actuellement un «nano-laboratoire vitrine». A partir du mois de novembre, dans ce laboratoire du «Zentrum Neue Technologien», des physiciens, des chimistes, des biologistes et des ingénieurs en matériaux travailleront dans des conditions réelles et rendront ainsi la nanotechnologie plus accessible aux visiteurs du musée. Heckl – dont les efforts dans la vulgarisation des sciences et de la recherche lui ont valu entre autres de se voir décerner le «Prix Descartes de la communication scientifique» par la Commission européenne – est convaincu que la crédibilité et la confiance ne peuvent s’établir que si «les gens peuvent comprendre, au sens profond du terme, non seulement la nanorecherche mais aussi ses chercheurs.»
 

 
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  Cette année à nouveau la NanoConvention a offert l’occasion de discussions animées: Paul Gilgen (Empa), Christoph Gerber (Université Basel), Stefan Fahr (Swiss MNT Network), Wolfgang Heck (LMU München), Ingrid Kissling-Näf (CTI; g. à d.).
 

 

La manière dont la société réagit aux nouvelles technologies et quelles sont, par exemple, les conséquences éthiques et sociétales de la nanotechnologie, c’est ce dont s’occupe Alfred Nordmann qui dirige le «nanobüro» de l’Université technique de Darmstadt. Ce philosophe met en garde contre une éthique par trop prospective, trop futuriste ou spéculative, tenant compte de toutes les applications futures possibles (et impossibles). «Plutôt que de soupeser toutes les applications imaginables et leurs effets éventuels, nous devrions davantage nous occuper des questions qui aujourd’hui déjà exercent une influence sur la recherche en nanotechnologie», relève Nordmann.
Ainsi, par exemple, dans le domaine médical, les plus grandes craintes se concentrent sur la manière dont il nous faudra réagir face aux nouveaux tests diagnostiques attendus pour des maladies pour lesquelles il n’existe pas encore de thérapies. Nordmann estime que devrions peut-être davantage réfléchir comment un système de santé personnalisé pourrait modifier les rapports patient-médecin – une tendance que l’on observe aujourd’hui déjà.

Des nanoparticules pour lutter contre le cancer
La nanotechnologie permet d’améliorer notablement les méthodes diagnostiques ainsi que le montre, par exemple, un test sanguin pour la détection des cancers du côlon, présenté par Gerd Grenner, CTO de Roches Diagnostics. Ce test permet de déceler, au moyen de ce que l’on appelle des microarray chips, la présence de six protéines différentes qui peuvent indiquer la présence d’un cancer. Grâce à des nanoparticules qui, suivant leur taille, émettent une fluorescence de teinte différente, il est possible de détecter simultanément six marqueurs tumoraux, ce qui augmente la sensibilité du test – autrement dit le pourcentage de cancers décelés avec fiabilité – à 70% contre 30% avec une seule protéine.
Dans le domaine de la thérapie aussi, la nanotechnologie est prometteuse. Avec sa firme MagForce Nanotecnologies AG, Andreas Jordan développe une méthode de traitement nouvelle pour les cancers dans laquelle des nanoparticules magnétiques sont injectées directement et avec précision dans la tumeur grâce à un système d’imagerie tridimensionnelle. L’application d’un champ magnétique alternatif amène les particules à chauffer – par couplage magnétique – à des températures allant jusqu’à 75 degrés Celsius. Cette chaleur détruit alors la tumeur alors que les tissus avoisinants demeurent préservés.
L’idée de détruire les tumeurs par la chaleur n’est pas nouvelle. Toutefois on ne parvenait pas jusqu’ici à chauffer la tumeur sans toucher aussi les tissus voisins. «Grâce à la nanotechnologie nous réussirons cette percée», assure Jordan. Les résultats d’études cliniques sur des patients souffrant d’un glioblastome – une tumeur du cerveau particulièrement maligne – sont encourageants. C’est ainsi que, selon Jordan, l’espérance de vie de ces patients, qui est actuellement d’environ une année à partir du diagnostic, a pu être notablement accrue. Les résultats détaillés de ces études seront publiés à la fin de cette année.

 
Des structures nano-sandwichs pour améliorer l’efficacité des piles solaires
A côté des applications médicales, la résolution par la nanotechnologie de questions touchant l’énergie et l’environnement formait le deuxième thème central de la NanoConvention. Des questions telles que : Comment étancher notre soif d’énergie toujours croissante lorsque les réserves de pétrole seront épuisées? La réponse évidente: par l’énergie solaire. Des piles solaires transforment depuis des années déjà l’énergie solaire en électricité. Christoph Ballif et son équipe de la «succursale» de l’EPF de Lausanne à l’Université de Neuchâtel développent des cellules photovoltaïques minces à base de silicium. Leur avantage par rapport aux piles solaires conventionnelles réside dans la consommation de matériau et d’énergie moindre que nécessite leur production.
Toutefois, le rendement de ces cellules photovoltaïques minces, environ 10%, est plus faible. Ballif s’est fixé pour but de l’accroître. Il utilise pour cela des «nanolayers», des couches ultraminces de l’ordre du nanomètre – par exemple en oxyde de zinc – qui réfléchissent et diffusent le rayonnement solaire incident. La quantité de rayonnement qui pénètre dans la couche de silicium qui transforme la lumière en électricité devient ainsi notablement plus élevée. Ballif est persuadé que le rendement de ces cellules solaires minces  pourrait ainsi augmenter jusqu’à 14%.
 

 
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Durant les pauses, l’exposition «Nano - kleines ganz gross» du réseau MEMS-Point offrait aux participants l’occasion de se plonger dans l’univers des atomes et des molécules.

 

 

La nanotechnologie pourrait aussi contribuer à résoudre ce que Jean-Pierre Petit de l’entreprise Georg Fischer AG désigne par le «paradoxe de l’eau». Dans un avenir pas si lointain, l’eau potable pourrait en effet de venir un bien rare – et donc cher – même dans les pays industrialisés; par contre les océans renferment suffisamment d’eau. Mais comment l’utiliser?
Par exemple à l’aide d’installations de nanofiltration dont les membranes présentent des pores d’un diamètre de 10 nanomètres qui sont en mesure de retenir de manière fiable non seulement les bactéries mais aussi les virus. Cette technologie permet d’utiliser l’eau des rivières ou même des eaux usées pour la production d’eau potable. Une telle installation se trouve à Singapour qui ne dispose pas de sources naturelles d’eau douce. Des membranes aux pores encore plus fins qui ne laissent passer que les molécules d’eau et pas les ions s’utilisent pour ce qu’on appelle l’osmose inverse: l’eau sous pression est forcée à passer à travers la membrane contre le gradient de concentration. Ceci permet d’inverser le processus naturel de l’osmose et d’obtenir de l’eau potable à partir d’eau de mer.

Une demande de tests standardisés
Malgré cet optimisme, les risques potentiels liés aux applications nanotechnologiques n’ont pas été oubliés à la NanoConvention. A la mi-juin, le projet «NanoCare» financé par le Bundesministerium für Bildung und Forschung (BMBF) allemand s’est achevé avec succès; sous la direction du chercheur de l’Empa Harald Krug, 16 partenaires de l’industrie et de la recherche ont élaboré des tests standardisés pour l’évaluation des risques des nanomatériaux et des nanoproduits avec, entre autres, des méthodes pour déterminer la toxicité des nanoparticules à l’aide de tests cellulaires et des essais d’inhalation sur le rat, ou des procédés pour étudier les modalités de l’absorption des nanoparticules par les cellules corporelles. «Jusqu’ici on manquait totalement de méthodes standardisées en nanotoxicologie ; chacun testait ce qu’il voulait et comme il le voulait. Ceci explique des résultats en partie totalement contradictoires», a déclaré Krug.
Le projet NanoCare s’est concentré sur 11 des nanoparticules les plus fréquemment utilisées à l’échelle industrielle telles que l’oxyde de zinc (produits cosmétiques) le sulfate de baryum (stabilisation des matières plastiques), le carbonate de strontium (émaux des céramiques) et l’oxyde de titane qui s’emploie dans les crèmes solaires et pour de nombreuses autres applications. Le résultat: au vu des connaissances scientifiques actuelles, les nanoparticules testées ne donnent pas lieu à inquiétude. Toutefois, ainsi que le relève Krug, leurs effets chroniques ne sont encore pas suffisamment étudiés.
Les nano-chercheurs ne sont ainsi pas prêts de manquer de travail. Et tous étaient unanimes à la NanoConvention pour estimer que ces efforts en valent la peine. Car, comme l’a déclaré en conclusion Peter Krüger de Bayer MaterialScience AG: «Si la nanotechnologie n’est pas LA solution à nos grands problèmes de l’avenir, elle en sera certainement l’une d’entre elles.»

 
 
 
 
 


 

Prof. Dr. Harald Krug
Materials-Biology Interactions
Tel. +41 71 274 72 74