Comment les algues vertes réagissent-elles aux nanotubes de carbone?

Les nanotubes «volent» de la lumière et de la place

2 nov. 2011 | REMIGIUS NIDERÖST

Les nanoparticules que sont les nanotubes de carbone (NTC), présents dans plus en plus de produits, parviennent aussi de manière accrue dans l’environnement. Il ne sait encore actuellement pas clairement si et comment ces nanotubes de carbone peuvent porter atteinte aux écosystèmes aquatiques. Une étude de l’Empa montre que les CNT n’exercent pas d’action toxique sur les algues vertes, mais qu’ils entravent leur croissance en leur prenant de la place et de la lumière.

https://www.empa.ch/documents/56164/273088/a592-2011-11-03-b1x+Nanoroehrchen.jpg/0abcf2a5-1340-46fe-9299-7a415942f7ca?t=1448297681000
 

Les nanotubes de carbone (NTC) sont jusqu’à 100'000 fois plus minces qu’un cheveu et aussi léger que le plastique. Suivant leur conformation, ils peuvent être plus résistants à la traction que l’acier, plus durs que le diamant ou aussi bons conducteurs que le cuivre. Ces propriétés en font un matériau du futur. Leur utilisation fait l’objet de nombreux travaux de recherche, par exemple pour les piles photovoltaïques, les matières plastique, les batteries, ou encore en médecine et pour la préparation de l’eau potable.

 

Avec l’augmentation de leur production industrielle, actuellement de l’ordre de centaines de tonnes par année, la quantité de ces particules qui parviennent dans l’environnement s’accroît elle aussi. Quelques études laissent soupçonner que certains NTC peuvent provoquer dans les poumons des dommages semblables à ceux de l’amiante. Une équipe interdisciplinaire des instituts de recherche Empa et Agroscope ART a maintenant étudié dans un projet financé par le Fonds national suisse l’action sur les algues vertes  des CNT dans les eaux.

 

Les algues demeurent vivaces
Ces chercheurs ont modifié une méthode standard, utilisée initialement pour l’étude de l’influence dans les eaux des substances chimiques, pour mesurer la croissance et l’activité photosynthétique des algues vertes en présence de NTC. Cette étude montre que les algues conservent leur activité photosynthétique même en présence de concentrations élevées de NTC; toutefois leur croissance est ralentie. Ce qui est aussi frappant, c’est que l’adjonction de NTC provoque un assombrissement de la suspension d’algues – et cela bien que rien n’indique que les nanotubes ne fussent absorbés par les algues.

 

 
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  Les nanotubes de carbone ne sont pas toxiques pour les algues vertes, mais, en hautes concentrations, ils ralentissent leur croissance car les nanotubes provoquent leur agglutination et elles reçoivent ainsi moins de lumière. (A gauche: algues vertes intactes (vert) formant un agglomérat avec les nanotubes de carbone (noir); à droite, activité de photosynthèse normale des algues (en rouge) rendue visible par fluorescence.
 

 

Les chercheurs ont ainsi supposé que les algues croissaient plus lentement parce que les CNT provoquaient leur «agglutination» et recevaient ainsi moins de lumière. Afin de prouver leur hypothèse, ils ont développés deux autres tests qui leur ont permis de mesurer quantitativement cette perte de lumière et l’agglutination provoquée par les NTC. Les résultats montrent que le ralentissement de la croissance des algues est effectivement dû à ces deux facteurs. Conclusion : les NTC n’ont pas d’action toxique directe sur les algues vertes ainsi que le laissaient supposer des études antérieures. En présence de NTC les algues ne disposent simplement pas de conditions de croissance optimales car elles ont besoin, tout comme les plantes terrestres, de lumière et de place pour croître. Cependant l’agglutination et l’assombrissement ne se produisent que pour des concentrations élevées de NTC (plus d’un milligramme par litre), que ne devraient pas apparaître pour le moment dans l’environnement réel.

 

«Notre étude montre combien il est difficile de comprendre en détail les effets des nanomatériaux sur les organismes», relève la chercheuse de l’Empa et de l’ART Fabienne Schwab. Les résultats de cette étude aideront à tester d’autres nanoparticules afin de garantir leur sécurité pour l’homme et l’environnement. Le chercheur de l’Empa Bernd Novak conseille de ne pas disséminer dans l’environnement des nanoparticules et plus particulièrement des nanoparticules non liées avant que l’on ne dispose de résultats d’études de longue durée également sur des organismes plus complexes que les algues vertes.

 
 
 
Bibliographie

Are Carbon Nanotube Effects on Green Algae Caused by Shading and Agglomeration? F. Schwab, T.D. Bucheli, L.P. Lukhele, A. Magrez, B. Nowack, L. Sigg, K. Knauer, Environmental Science & Technology, DOI: 10.1021/es200506b; online ici.