1er colloque du centre d’analyse des biens culturels

Sous le signe des monuments et des biens culturels

Dec 11, 2003 | REMIGIUS NIDERÖST
L’environnement extérieur ou un climat intérieur mal adapté peuvent faire courir des risques importants aux monuments historiques et aux biens culturels. Souvent seules des interventions bien ciblées permettent de les protéger d’agents biologiques ou chimiques nocifs. C’est à ces thèmes qu’était consacré le colloque qui s’est tenu récemment à Dübendorf et qui réunissait des experts des sciences physiques et chimiques, de la protection des biens culturels, de la restauration et de la conservation.
a592-2003-12-08-b1x_falken.jpg
Scène de chasse au faucon
 
Le premier colloque du Centre d’analyse des biens culturels qui s’est déroulé le 27 novembre 2003 à l’Empa se proposait d’offrir une plateforme d’échange et de rencontre entre spécialistes de la restauration et de la conservation. Les exposés traitaient de thèmes tels que l’humidité et des variations de température dans les bâtiments historiques et sur leur mobilier architectural qui peuvent conduire à l’apparition d’infestations par des microorganismes. Placés dans cette perspective, les mesures de prévention ainsi que les travaux d’analyse chimique forment les conditions préalables à toute restauration fondée.
 
Nef latérale d’une église avec forts noircissements en différents endroits (suie, humidité).
  A dommages variés, méthodes de restauration variées
L’expert en matières de détérioration des bâtiments de l’Empa, Roland Büchli, a abordé le problème que posent les édifices sacrés sur le plan de la physique du bâtiment. Les églises et les chapelles ne sont pas utilisées en permanence comme les bâtiments d’habitation ou les immeubles de bureaux. En hiver, souvent elles ne sont chauffées que quelques fois par semaine pour les offices et les conditions climatiques changeantes qui en découlent provoquent de la condensation et des infestations  par des moisissures qui s’attaquent au crépi et aux œuvres d’art. Büchli a montré dans son exposé combien une analyse des dommages sur le plan de la physique des bâtiments est importante pour éviter la réapparition de ces dommages.
 
Les spécialistes de l’Expert-Center Lausanne ont ensuite présenté un exposé sur les travaux de restauration récemment entamés sur la Cathédrale de Lausanne. Sa façade qui date du 13e siècle a subi une rénovation générale au 19e siècle. Les matériaux qui furent utilisés à cette occasion doivent aujourd’hui déjà être en partie à nouveau remplacés. Pour les restaurateurs, la difficulté est de trouver un équilibre entre les exigences de la statique et de la protection du patrimoine.
 
Une humidité trop élevée favorise les infestations par les microorganismes
Ainsi que l’a exposé le Dr Paul Raschle de l’Empa, les analyses biologiques sont utiles pour résoudre de manière durable les problèmes que posent les dommages causés par les bactéries et les moisissures. La cause d’une infestation par des moisissures ou des bactéries est toujours une humidité trop élevée. C’est aussi l’humidité qui avait provoqué une attaque des peintures de l’église du couvent de Mustair. Il est apparu que ces moisissures se nourrissaient du vernis de protection appliqué lors de la dernière rénovation et détruisaient ainsi les peintures. Comme l’humidité nocive ne provenait pas des murs mais de l’air, une déshumidification de l’air ambiant et l’élimination du vernis ont permis de stopper cette attaque de moisissures.
 
Ralentir la dégradation
La détermination des mesures de conservation en fonction de mécanismes de dégradation  est le thème qu’a abordé le Dr  Christiane Bläuer Böhm de l’Expert-Center pour la protection du patrimoine bâti de Zurich. Comme il n’est guère possible d’éviter totalement les dégradations et le vieillissement et que ces phénomènes sont irréversibles, les mesures de conservation ont principalement pour but de ralentir autant que possible les formes de vieillissement qui sont considérées comme un délabrement sur les monuments historiques. Ces mesures peuvent consister en une modification adéquate des conditions environnementales ou des caractéristiques des matériaux.
 
91kB
Nettoyage au laser dans le laboratoire
  Le laser pour l’analyse et la restauration
Déjà peu après son invention dans les années 60, on a découvert que le laser pouvait non seulement s’utiliser comme moyen de diagnostic en restauration mais aussi comme outil de nettoyage pour éliminer des couches de salissures et de produits de dégradation sur des bien culturel. Peu après on est effectivement parvenu à éliminer des croûtes de produit de dégradation sur du marbre à l’aide d’un laser au rubis. Avec le développement de lasers plus puissants, il est devenu possible dans les années 80 de développer des outils utilisables dans la pratique courante des chantiers de restauration pour le nettoyage des biens culturels.
 
En particulier, l’absence de contact direct et l’interaction localement très limitée avec l’objet en font un outil optimal pour un nettoyage précis. Cette technique n’est toutefois pas un «remède universel», ainsi que l’a indiqué Jens Hildenhagen du Laserzentrum der Fachhochschule Münster. Sur les matériaux très sensibles, on court le risque d’une ablation de la couche à conserver. Entre temps on dispose cependant de toute une gamme de types et de systèmes laser qui permet de choisir l’outil le mieux approprié.
 
Des enzymes gloutons pour éliminer les enduits de caséine
La mise à jour de nombreuses peintures murales depuis le milieu du 19e siècle a permis de redécouvrir des trésors historiques importants. Pour leur conservation et leur restauration on a aussi utilisé parfois à côté des produits traditionnels de nouveaux produits dont on ne connaissait par le comportement à long terme. Des problèmes se sont posés depuis en particulier avec la fixation des peintures murales effectuée au moyen de caséine. Les dégâts qui en découlent peuvent aller jusqu’à la destruction de la totalité de la peinture. Jusqu’ici on n’était pas parvenu à enlever ces revêtements de caséine sans porter notablement atteinte à la substance originale. Kerstin Klein du Landesdenkmalamt de Hanovre a présenté un projet actuellement en cours, mené en partenariat avec l’industrie et des scientifiques, consacré au développement d’un procédé à base d’enzymes pour éliminer de manière contrôlée et avec ménagement le caséinate sur les peintures murales. Dans un premier temps on a développé une méthode non destructive pour détecter la présence de caséine sur les objets. Ensuite il s’agissait de trouver des enzymes appropriés assurant une décomposition sélective de la caséine, ce à quoi on est parvenu. La prévention d’une infestation de ces peintures précieuses par des microorganismes constituait aussi un défi à relever. Un avantage important des enzymes est leur absence de toxicité et ainsi aussi de risque sur le plan de la sécurité du travail.
 
Les analyses ne sont pas une panacée universelle
L’Empa offre une vaste gamme de services d’analyse qui ont été présentées dans le dernier exposé du colloque. Chaque œuvre d’art et chaque bien culturel nécessite une approche particulière dans son analyse car il s’agit le plus souvent d’objets uniques et irremplaçables. Seule la connaissance des matériaux utilisés permet de mieux comprendre la civilisation qui les a créés. Les innombrables méthodes disponibles peuvent faire naître l’impression qu’elles permettent de résoudre tous les problèmes. Le Dr Axel Ritter de l’Empa sait cependant que l’interprétation des résultats est tout aussi importante que l’analyse elle-même. Pour cette étape importante l’Empa travaille en collaboration avec des spécialistes du domaine des sciences humaines et des sciences de la terre.
 

Lors de la discussion finale, les questions soulevées touchaient principalement la restauration des églises. Il en est ressorti qu’une «utilisation muséale» demande un climat stable pour assurer la protection des oeuvres d’art mais qu’il n’existe toutefois pas de solution universellement valable dans ce domaine.

Rémy Nideröst

 

Le Centre d’analyse des biens culturels
Le Centre d’analyse des biens culturel de l’Empa se consacre à la recherche et à la conservation dans le domaine des biens culturels. Il dispose de spécialistes de l’archéologie, du mobilier architectural des monuments historiques ainsi que des peintures et des matières picturales.
Des liens directs entre experts en archéologie et en conservation/restauration et spécialistes de nombreuses disciplines des sciences physiques et naturelles (chimie organique et inorganique, physique des bâtiments, microbiologie, techniques de mesure, métallographie) permettent de trouver des solutions innovatrices à des nombreux problèmes touchant les biens culturels. (www.empa.ch/zkga)

Contact:  Marianne Senn